À Isaac Ortiz, écrivain colombien (1944 – 2019)
Jamais dans des trompettes outrancières Je ne soufflerai la triomphe de mon échec cuisant,
Je me laisse pourtant emporter Dans des galeries gravement obscurcies De mon plus pur et plus dur désir Qui n'aura nul besoin d'être vociféré, Celui qui me remettra le cœur à nu Et qui murmurera l'histoire À mes oreilles ouvertes À l'assourdissante Non-Voix.
Savez-vous pourquoi on narre ?
On narre parce qu'on a marre
De ne pas être narré Dans un monde muet, On narre parce qu'on a marre
De se voir crever Sans repos ni trêve Dans un monde déjà crevé.
N'ai-je pas suffisamment trébuché
Sur l'épaisse couche de poussière
De mes propres ossements
Sans piper mot Tout en me voyant enterrer
De cap en pied ? N'ai-je pas assez rechuté Sans articuler une phrase Dans la gueule avide De ma tombe glissante et béante ? Que j'y tombe comme une bête féroce mais coite !
Que j'y agonise dépourvu de la moindre parole !
Quand le seul écho de l'intérieur
N'est qu'un silence sépulcral,
Tout m'atténue tout m'éloigne
Des tapages passagers Du monde extérieur.
Du fond du cornet triomphant de l'oubli Je ne soufflerai jamais mon dernier cri, Je ne m'époumonerai plus à dire De profundis !
Car de mon ténébreux échec si colossal Aucun espoir ne surgira, Car dans mon fiasco si abyssal Nul salut ne m'attendra. Plût au ciel que mon ultime adieu Ne s'adresse jamais à personne ! Poème, Nader Hooshmand
Né à Hamedan, Nader Hooshmand a fait ses études à l'Université de Paris. Son premier roman,Ur-Arsalan (2016), a été publié à Téhéran chez les éditions Kian Afraz. Il écrit en persan et français.

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